La méthode des champs de phase : formulation « classique », formulation « étroite; » et quelques applications.
La méthode des champs de phase est utilisée pour prédire les évolutions de microstructures dans des domaines extrêmement variés. Elle consiste à introduire une série de champs qui représentent les propriétés matérielles d'intérêt, telles que les concentrations d'espèces atomiques, l'état d’ordre local, les champs de déplacements, la déformation plastique, l’état d’endommagement… Ces champs identifient localement l’état du système en un point donné (présence d’une phase, d’une dislocation, d’une cavité…) mais aussi les interfaces, qui sont associées aux variations rapides mais continues des champs. La puissance de la méthode réside dans le fait qu'elle évite le difficile problème du suivi des interfaces, qu’elle est exempte de toute contrainte topologique et qu’elle peut être formulée dans un cadre thermodynamique général qui permet de coupler de manière cohérente divers mécanismes physiques en interaction.
Dans une première partie du cours, nous montrerons la formulation « classique » de la méthode des champs de phase et sa mise en œuvre dans diverses situations : transformations de phase diffusives, transformations displacives, plasticité (discrète et continue), cavités, fracture… Dans un cas simple (séparation de phase dans un alliage binaire où le seul paramètre d’ordre est la concentration locale), nous montrerons comment le modèle champs de phase (ici, l’équation de Cahn-Hilliard) peut être obtenu par changement d’échelle à partir d’une dynamique discrète écrite à l’échelle atomique.
La formulation « classique » mentionnée ci-dessus souffre d’une difficulté d’ordre numérique. Afin de conserver le caractère continu de la théorie, l’implémentation informatique d’une méthode de champ de phase nécessite en effet l’introduction d’un schéma de discrétisation avec un pas de grille suffisamment petit devant la plus petite longueur caractéristique, c’est-à-dire l’épaisseur des interfaces. Cette contrainte « d’interfaces diffuses » limite sévèrement les dimensions linéaires accessibles.
Dans la 2nde partie du cours, nous présenterons une nouvelle formulation de la méthode des champs de phase, la S-PFM pour « Sharp Phase Field Method », dans laquelle les interfaces sont résolues avec un point de grille seulement, sans aucun frottement sur la grille, ce qui permet de multiplier par environ 1 ordre de grandeur les dimensions linéaires accessibles ou, corrélativement, de diviser par environ 3 ordres de grandeur les ressources informatiques nécessaires. Nous illustrerons cette nouvelle méthode dans deux situations (séparation de phase diffusive, croissance de polycristaux).
Enfin, en lien avec cette formulation de la méthode dans laquelle les interfaces sont très étroites, nous présenterons, dans la 3ème partie du cours, une série de nouveaux solveurs mécaniques capables de prendre en compte de fortes hétérogénéités matérielles (tenseurs de déformation propres discontinus, cavités…). Ces solveurs, intrinsèquement discrets, sont numériquement très efficaces car basés sur des transformées de Fourier Rapides. Par ailleurs, ils ont été construits de manière à être inconditionnellement stables, contrairement aux solveurs spectraux habituels. Ces nouveaux solveurs sont donc exempts des artefacts numériques habituellement rencontrés (phénomène de Gibbs dû aux discontinuités matérielles, oscillation haute fréquence dues à la fréquence de coupure de Nyquist).
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